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Les Ecalites

Je n’ai jamais su si c’était l’effet d’une maladie ou une simple disposition naturelle.

Le corps des Ecalites, pour peu qu’il soit touché d’un toucher appuyé, rougit, sauf aux mains et aux pieds.

La marque tient une heure, et parfois même bien davantage.

Les chasseurs qui reviennent de la forêt reviennent ainsi tout en fleurs, en feuilles, en graines.

Le corps des femmes est nacré, rose, à reflets, admirable.

Je ne me lassais pas d’y former – comme à l’estompe – avec le pouce et les doigts, toutes sortes de figures rosées.

Grâce à ce petit talent, elles m’aimaient.

Dociles et espiègles, elles aimaient ainsi se laisser faire sous mes doigts.

Henri MICHAUX - Voyage en Grande Garabagne, Gallimard-1936

LES VILLES INVISIBLES

La ville de TRUDE 

 Si, touchant terre à Trude, je n’avais pas lu le nom de la ville écrit en grandes lettres, j’aurais cru que j’étais arrivé au même aéroport dont j’étais parti.

Les banlieues qu’ont me fit traverser n’étaient pas différentes des autres, avec les mêmes maisons jaunes et vertes. Suivant les mêmes flèches, on tournait autour des mêmes parterres sur les mêmes places. Les rues du centre montraient dans leurs vitrines des marchandises, des emballages, des enseignes qui ne changeaient en rien.

C’était la première fois que je venais à Trude, mais je connaissais déjà l’hôtel où par hasard je descendis; j’avais déjà entendu et prononcé les mêmes dialogues avec acheteurs et vendeurs de ferraille; d’autres journées pareilles à  celle-ci s’étaient terminées en regardant au travers des mêmes verres ondoyer les mêmes nombrils.

Pourquoi venir à Trude ? me demandais-je. Et déjà, je voulais repartir.

- Tu peux reprendre un vol quand tu veux, me dit-on, mais tu arriveras à une autre Trude, pareille point par point …

Le monde est couvert d’une unique Trude qui ne commence ni ne finit : seul change le nom de l’aéroport.

Italo CALVINO - Les villes invisibles, Seuil-1974

musique  électrolithique  &  poésie     Var - 2005

Textes : R. CAILLOIS, L. GASPAR, E. GUILLEVIC (NRF-Gallimard), L. BRAUQUIER (La Table Ronde), J. GIONO (?)

Hervé FOUÉRÉ : Lithophones, Eau-Sable-Gravier, Mandoviolon électrique, Effets, Métaux, Voix

Jean-Michel LLANES : Basse, Métaux, Effets, Voix

Molécules, vous

qui toutes ensembles formez 

cette pierre que je tiens dans la main,

vous avez il y a longtemps 

été nues dans tous les vents

Et sans doute qu'un jour

vous, un certain nombre de vous,

fatiguées

d'être nues sous le soleil,

le froid, la pluie, les regards,

en secret, vous êtes-vous groupées,

amalgamées dans un corps,

devenant pour toujours

cette pierre.

Eugène GUILLEVIC

Je voudrais être une pierre

d'un chemin abandonné,

une pierre bien usée

par d'anciens passages d'hommes,

de chars alourdis de gerbes

et de troupeaux inclinés.

Je voudrais être une pierre

au sommet d'une colline,

une pierre ronde et bleue

au milieu des chênes nains.

Le vent pousserait sur moi

les aiguilles des pins calmes,

l'odeur de la mer prochaine

et sèche du romarin.

L'hiver, les pluies amicales

me laveraient doucement

et dans le chaud de l'été

un lézard furtif viendrait

reposer sur mon silence,

me donner l'essence pure

d'un contact avec la vie

suffisant pour satisfaire

un obscur désir secret.

Louis BRAUQUIER

  avec        Dominique FAUCHER

        Contes traditionnels - Créations